Youssef Boudlal  P H O T O G R A P H Y 

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©YoussefBoudlal

Wedding under curfew
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Ils ont 17 et 22 ans. Ils s’aiment. Un checkpoint les sépare. Autour d’eux, c’est  la guerre et la désolation. Ils sont nés avec. Ils ont grandi dedans. Ils se sont  rencontrés pendant. Leur avenir ? impossible à imaginer. Ils vivent sous couvre  feu total depuis 89 jours. Maysan habite chez ses parents à Naplous. Sliman,  10 kilomètres plus loin, dans le village de Salem. Avant le couvre feu, il était  chauffeur de taxi. Aujourd’hui, il attend. Malgré la pauvreté, malgré le danger,  malgré le couvre feu, malgré les attentas, malgré... on les a mariés. Qu’est ce que ça veut dire se marier en temps de guerre ? une atmosphère  inquiète. Une joie ternie, sombre, désespérée et puis après ? Pas de musique,  pas d’électricité, tres peu de youyous. Les soldats israéliens qui entourent le  village. Un mariage en petit comité. En plein jour. Pas question de faire une  fête la nuit.  Une quinzaine d’amis autour d’une table. Pas plus. Des habits  ordinaires, quelques klaxons de joie et ces images, tout un symbole. Comme si  le mariage avait lieu à cet instant-là, précisément lorsque le marié cherche sa  femme  de l’autre  côté du  checkpoint... Aucun  bruit  ne  vient perturber  le  cheminement  du cortège  endimanché dans  les gravas.  Aucune réaction  des  soldats quand les jeunes époux, main dans la main, déambulent à côté du char  israélien. L’amour  prend le dessus, mais il demeure bien fragile, circonscrit  dans ce strict moment, et le visage fermé de la mariée, semble nous dire que le  plus dur est à venir. Un  mariage, une  déchirure. En  épousant Sliman,  Maysam  rompt  avec  sa  famille, ses parents, ses frères. Elle ne sait pas quand elle les reverra. Ils ne  sont pas  autorisés à se  déplacer. Entre  eux un mur  invisible d’incertitude.  Longueur 10 km. On fait la féte d’un côté, de l’autre, non. Une moitié de fête,  mais une fête quand même. On fait comme si tout le monde est là,  tout le  monde va bien. Même le frére martyr (chahid) de Sliman est là, sur du papier  glacé, il trône sur le pare-brise arrière du taxi décoré. Les mariés s’engoufrent  dans  la  voiture,  et  c’est  parti  pour  deux  tours  d’honneur  dans  ce  décor  militaire, devenu irréel, absurde. À 50 mètres de la maison, la voiture s’arrête. Le reste se fait à pied. Le couple  est acceuilli sous les bravos des proches, des voisins. Une majorité de femmes.  En  dehors de cette procession, les rues sont désertes. Le marié se retrouve  immédiatement propulsé  sur les  épaules d’un  cousin, les  
femmes chantent,  dansent. Sur le pas de la porte,  Maysam jette une poignée de pâte blanche à  base de farine en direction de la porte. Si ça colle, c’est que ça va coller entre  eux et qu’ils vont avoir des enfants, Si ça ne colle pas, le pire n’est pas loin.  Evidemment, ça colle. Les femmes entraînent alors Maysam au premier étage  pour qu’elle découvre sa nouvelle chambre. 20m2 dans la maison des parents,  un grand lit sur un sommier en bois, une armoire contenant tous les habits qu’il lui a achetés. Un miroir, une petite télé, un coin toilette. Retour au salon. Les mariés sont assis sur une estrade. Un musicien a pris sa  darbouka et le chant traditionnel qu’il entonne emplit la pièce. Tout le monde  se  presse autour  des  mariés.  L’heure  est  aux  souhaits,  aux félicitations.  «  Beaucoup d’enfants » « La bonne vie » « La paix » « Une vie dans la paix ».  Une femme fait le tour  de la pièce pour montrer  le cadeau du marié à sa  femme. Posée délicatement sur du satin blanc, une parure dorée, du plaqué or.  C’est un mariage obligatoirement pauvre. Pas de mouton égorgé, en guise de  repas de noces, un plat unique : riz au lait, poulet. Les enfants font bombance,  les invités aussi. C’est toujours ça de pris.  C’est toujours ça que la guerre  n’aura pas.

PHOTOS : © YOUSSEF BOUDLAL  
TEXTE : © AUDE BOISSAYE